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INTERVIEWS DE ALESSANDRO DI BENEDETTO

Navigateur, skipper, conférencier, géologue de formation, Chevalier de l'Ordre du Mérite de la République Italienne, le franco-italien Alessandro Di Benedetto a établi des Premières mondiales et Record du Monde homologués avec ses traversées de l'Atlantique (1992 et 2002) et du Pacifique nord (2006) en catamaran de sport sans cabine (Hobie cat), en solitaire, sans escale et sans assistance. Alessandro a réalisé, entre 2009 et 2010, le tour du monde sur un voilier de 6.5 mètres, sans moteur, sans générateur, en solitaire, sans escale et sans assistance par les Trois Caps (même parcours du Vendée Globe), en 268 jours de navigation (Première mondiale et record homologué pour le plus petit bateau de l'histoire de la navigation) . Alessandro Di Benedetto a aussi terminé le Vendée Globe (2012/2013), la Transat Jacques Vabre (2013) et la Route du Rhum (2014) en classe Imoca (monocoques de 18,28 mètres).

L'EDITO du navigateur Alessandro di Benedetto qui fait un point sur le Vendée Globe - le 27/01/2021.

1/ RVPB : Bonjour Alessandro, cette semaine est marquante avec les premières arrivées du Vendée Globe avec le vainqueur officiel de cette édition 2020/2021 après la comptabilisation des compensations horaires (pour le sauvetage de Kevin Escoffier).
Que pensez-vous de cette arrivée si particulière aux Sables d'Olonne à huis-clos sans le public, et avec ces 5 bateaux en lice pour cette victoire tant attendue ?

Alessandro : Bonjour.
Ça pourrait être en effet une arrivée "singulière" dans le sens que le premier à couper la ligne d'arrivée pourrait ne pas être... le vainqueur du Vendée Globe. Tout en effet dépendra des moyennes que les premiers bateaux vont faire dans les dernières heures mais peut aussi se jouer sur une erreur, une manœuvre lente, une voile mal enroulé, etc. Ça va être le suspense jusqu'à la fin, surtout pour "calculer"...le placement définitif des skippers sur le podium.
C'est vrai que l'arrivée sera forcément très "triste" par rapport à celle que l'on connaît en temps normaux... La dernière nouvelle est qu’un cordon d'accueil de quelque centaines de bénévoles sera autorisé, avec des marquages au sol, distanciation de 4 mètres, etc. Rien à voir au bain de foules auxquels nous...étions habitués. Je pense que le "choc" sera surtout pour les skippers qui ont déjà vécu un ou plusieurs départs et arrivées avec des milliers de personnes, les deux côtés du chenal recouvert de monde, de gens qui applaudissent, qui acclament, des banderoles, une vraie grande fête qui fait sentir chaque concurrent un "héros".

2/ RVPB : Que peut-on vous souhaiter dans vos projets pour l'année 2021 ?

Alessandro : Pour 2021 j'espère qu'il y aura des solutions pour résoudre le problème sanitaire actuel qui affecte profondément nos vies, la santé, la liberté... J'espère que ce désastre permettra d'éveiller les consciences sur les problèmes du monde (par exemple le manque de liberté, le paludisme, le manque d'accès à l'instruction et les problèmes d'eau dans les pays les plus pauvres), sur les inégalités entre personnes, sur l'environnement à fin de mettre en place des vraies actions.

Merci. Bonne soirée à vous tous.
Alessandro,

L'EDITO du navigateur Alessandro di Benedetto qui fait un point sur le Vendée Globe et le Trophée Jules Verne - le 17/01/2021.

1/ RVPB : Bonjour Alessandro, cette semaine Yannick Bestaven a perdu la tête de la course dans sa remontée de l'Atlantique Sud au niveau du Brésil à l'Est de Rio de Janeiro. Que pensez-vous de ce changement de la tête de flotte avec le retour de Charlie Dalin (situé plus à l'Est) ? Les 9 premiers se tiennent à moins de 150 milles du leader. Le pot au noir risque-t-il encore de redistribuer les cartes autour de l'équateur ?

Alessandro : La remontée de l'Atlantique sud est longue...et, comme déjà évoqué, avec des vents pas très stables, surtout vers les côtes de l'Amérique du Sud. Le décalage de Yannick Bestaven plus à l'ouest par rapport aux poursuivants il y a une semaine, l'a fait tomber à l'intérieur de zones avec des vents faibles en lui faisant perdre tout son avantage. Bestaven a dû tirer des bords pour se recaler plus à l'est à fin de retrouver une bonne pression de vent. La tête de la course a donc été prise par Charlie Dalin puis par Louis Burton. C'est sûr que la façon avec laquelle les 9 premiers skippers vont sortir du Pot au Noir aura une influence importante sur le classement final. Le passage de cette zone d'instabilité est délicat. Si d'un côté il faut bien étudier les fichiers météo pour choisir le niveau où les vents vont être plus constants, de l'autre il faut aussi un peu de chance...du fait que à ce niveau l'évolution des "micro systèmes météo" est si rapide que un bateau pourrait filer à 15 nœuds pendant qu'un autre à quelque miles se verrait bloqué pendant des heures complètement à l'arrêt faute au calme total voir même "reculer" légèrement suite aux courants. Ce passage peut redistribuer certaines cartes. Au sujet de cette dernière partie du parcours la différence entre des bateaux qui auraient encore l'usage à 100% de leur foils (ceux skippés par Hermann, Burton, Bestaven) et ceux qui ont eu des problèmes (ceux skippés par Dalin et Ruyant) devrait conter beaucoup surtout avant l'entrée dans une probable basse pression avant l'arrivée aux Sables d'Olonne. Niveau classement il ne faut pas oublier les temps de compensation que le Jury du Vendée Globe a accordé à Jean Le Cam, Yannick Bestaven et Boris Herrmann pour leur participation au sauvetage de Kevin Escoffier. Suite à ça il y a des fortes chances que le vrai podium soit différent par rapport à celui en relation avec l'ordre de passage de la ligne d'arrivée. Je tiens en fin à dire que je suis très admiratif des skippers qui ont des bateaux sans foils et de 2007/2008 (Jean Le Cam, Damien Seguin, Benjamin Dutreux) et qui sont actuellement pas très loin de la tête de la course.

2/ RVPB : Isabelle Joschke a dû se résoudre à l'abandon il y a quelques jours à la suite de son avarie majeure sur sa quille. Elle va essayer de rejoindre un port brésilien d'ici une dizaine de jours avec l'aide de son Team manager Alain Gautier et de l'équipe du Vendée Glboe. Jérémie Beyou poursuit sa remontée, il est 16e de la flotte au sud des Fakland et talonne Alan Roura et Cali Boissières. Que pensez-vous de ces deux infos ?

Alessandro : C'est vraiment dommage pour Isabelle Joschke car elle faisait une très belle course. Malheureusement c'est la "loi" du Vendée Globe. Rien n'est sûr jusqu'au moment où vous avez franchi la ligne d'arrivée entrée la bouée Nouch Sud et le Bateau Comité...
Jérémie Beyou qui pendant que je vous réponds a doublé Alain Roura et Arnaud Boissières a fait une remontée incroyable et devrait "assez facilement" rentrer dans le top 10 à l'arrivée. De même pour Armel Tripon, actuellement onzième et qui, comme Beyou, a à disposition un bateau à foils de dernière génération.

3/ RVPB : Le maxi-trimaran du Team Gitana skippé par Franck Cammas, Charles Caudrelier et leurs hommes d'équipage sont partis le 10/01 dernier à l'assaut du Trophée Jules Verne. Ils sont actuellement en Atlantique Nord et devraient se situer au large du Brésil d'ici dimanche s'ils maintiennent leur vitesse pour rester compétitifs face au record de Francis Joyon sur Idec Sport en 2017. Que pensez-vous de ce record du tour du monde sans escale et sans assistance en équipage ?

Alessandro : Au moment où j'écris le multi Team Gitana skippé par Franck Cammas contourne l'anticyclone de Sainte Hélène et a une avance d'un peu plus de 280 milles sur le record d'Idec Sport skippé par Francis Joyon en 2017. Il est compliqué de comparer les records surtout vis-à-vis des années de différence de conception des deux bateaux. Les records sont faits pour être battus et je pense que comme un jour le record de Joyon sera battu, il se peut aussi qu’après... Joyon même s'empare à nouveau du record. Un des plus gros problèmes et aléas pour ce genre de record est la "fragilité" des appendices, foils et safrans à foil lié à la vitesse du bateau et à la possibilité d'être endommagés en cas de collision avec un objet flottant ou un mammifère marin. À la vitesse que ces bateaux arrivent à atteindre parfois pas loin des 50 nœuds (un peu moins de 100 km/heure) même un cachalot ne fait pas à temps à réagir pour éviter la collision... Si on exclut un problème technique en cours de route, je pense que un bateau de dernière génération comme le Team Gitana peut battre le record de quelques jours.

L'EDITO du navigateur Alessandro di Benedetto qui fait un point sur la course - le 09/01/2021.

1/ RVPB : De nombreux concurrents ont franchi le Cap Horn ces derniers jours et ont vécu ce moment de joie unique de la course. Vous nous avez replongé la semaine dans vos souvenirs lors de votre passage au Horn au VG 2012/2013 avec votre vidéo, comment s'était ensuite passé votre début de remontée de l'Atlantique Sud le long des côtes de l'Argentine ?

Alessandro : Mon passage du Cap Horn en 2013 a été marqué par un mélange de joie, satisfaction mais aussi un peu d'appréhension lié à la présence de plusieurs icebergs dans les parages. Avant le Cap Horn il y avait beaucoup de brouillard. À la hauteur des Îles Diego Ramirez j'avais pu détecter et donc les éviter des icebergs grâce au radar. J'étais aussi rentré en contact avec un bateau de pêche. L'équipage m'avait dit à la VHF qu’ils n'avaient pas encore vu d'icebergs mais qu'ils y en avaient plein...tout autour! Autre moment de tension a été le passage au sud-est du Burwood Bank, un banc sur lequel la Direction de course nous avait signalé la présence d'icebergs échoués et en désagrégation. Suite à cette situation il était souhaité de passer à l'ouest du banc et pas à l'est comme j'ai été obligé à faire faute au vent. Et pour finir, quelque jours après, un dernier moment intense...: de nuit le bateau s'est couché, je suis sorti à l'extérieur pour le remettre sur la bonne route et pendant que je manœuvrais, une vague a fait pivoter le bateau, chose qui a fait passer subitement la grande voile d'un côté à l'autre. C'est à ce moment que j'ai été frappé par l'écoute et en tombant je me suis cassé une côte. Cette nuit-là j'avais aussi perdu une voile.

2/ RVPB : Faites nous un petit point course, sur ce début de remontée de l'Atlantique le long de l'Argentine des concurrents cette semaine. Les problèmes d'instruments de vent pour Miranda Merron, et les problèmes d'instruments aussi et de vérin de quille pour Isabelle Joschke.

Alessandro : Comme déjà évoqué, plus le temps passe et plus le matériel s'use, se fatigue. Presque tous les concurrents ont eu des soucis à bord. Chaque problème demande au skipper de réagir le plus rapidement possible et de réparer ou de trouver une solution. Un problème d'instruments de vent va réduire la performance du fait que souvent l'autopilote est réglé en "mode vent". Cela veut dire que, une fois les voiles réglées, la modalité "vent" permettra de garder toujours le même angle antre l'axe du bateau et le vent chose qui permet au skipper de pouvoir prendre du repos. Si ce système tombe en panne, il y a la possibilité de passer le pilote en "mode compas", dans ce cas le pilote tiendra le bateau sur un angle constant par rapport au nord magnétique. Cette configuration demande un effort en plus pour le skipper car il devra intervenir sur les réglages des voiles à chaque changement important de la direction de provenance du vent. Encore autre chose est un problème de vérin de quille qui s'il n'est pas résolu, comporte la fixation en position centrale de la quille avec conséquence la baisse des vitesses du fait que il faudra réduire la surface des voiles envoyés parce que la quille ne pourra plus être basculée au vent pour contraster la gîte. Récemment, en plus de Miranda Merron et Isabelle Joschke, des autres skippers ont communiqué des problèmes à bord, Jérémie Beyou une voile endommagée, Manuel Cousin un problème au pilote qui a fait coucher le bateau et causé une déchirure sur la grande voile, Sébastien Destremeau lui aussi depuis plusieurs jours avec des problèmes au système de barre et d'autopilote, Pip Hare a récemment dû remplacer un safran endommagé.
Pour des questions de "stratégie psychologique"... souvent ceux qui se disputent le podium ont tendance à ne pas trop dévoiler leur faiblesses et soucis. Informer par exemple d'avoir perdu une certaine voile donnerait des informations importantes aux poursuivants au sujet de la stratégie à adopter sur le parcours. Quelqu'un qui est derrière, pourrait par exemple "pousser" le bateau qui se trouve devant vers une zone où les conditions de vent lui sont plus favorables par rapport à la perte de voile du leader. Et ça du fait que celui qui se trouve devant devra en quelque sorte "contrôler" le poursuivant direct en se positionnant au maximum possible entre lui et la ligne d'arrivée.
Actuellement 14 skippers naviguent avant Cap Horn (13+Samantha Davies désormais hors course) et 14 après Cap Horn. Ceux à l'ouest du troisième Cap vont avoir encore à faire à quelque dépression avant de pouvoir souffler un peu mais la stratégie liée à la météo est assez limitée du fait de la nécessité de faire de l'est et de la présence de la limite des zones des glaces à ne pas franchir au sud, ils se trouvent tous en quelque sorte dans un "couloir" ... Pour ceux qui ont passé le Horn la situation côté météo et stratégie est plus intéressante surtout à mon avis pour la partie au sud de l'équateur où quelque petite "cellule de basse pression" au large des côtes de l'Argentine pourrait influencer certains choix de parcours. Pour certains skipper exploiter les flux de vent qui viennent du sud et qui caractérisent les bords occidentaux de ces cellules pourrait être très tentant pour faire route au nord mais la vitesse de déplacement de ces systèmes météo et leur instabilité pourrait se révéler contre-productif par rapport à un parcours plus à l'est et qui, si en un premier temps obligerait à une navigation au près serré, donc avec un angle très serré par rapport à l'axe du vent, dans un deuxième moment permettrait une entrée dans le secteur ouest de l'anticyclone de Sainte Hélène avec un meilleur angle par rapport au vent, permettant ainsi une plus rapide approche à l'équateur.

3/ RVPB : Un petit mot sur votre confrère Italien Giancarlo Pedote qui fait une belle course en 9e position.

Alessandro : Giancarlo, aujourd'hui en 8ème position, est en train de faire une très belle course à mon avis. Il a à disposition un très beau bateau qui avait fait 4ème du dernier Vendée Globe en 2016 en un peu plus de 80 jours avec Jean Pierre Dick et 1er à la Transat Jacques Vabre en 2017 avec Yann Elies et Jan Pierre Dick.
Je pense que Giancarlo est en train de très bien naviguer, il fait une très belle régate dans le groupe de tête et en plus il fait partager beaucoup son tour du monde et en "bon italien" il montre aussi le côté cuisine de bord...tout en restant concentré sur la course.
Il fait vraiment une belle performance et ça sera aussi un très joli timing à l'arrivée.

Bonne journée et Meilleurs Voeux pour 2021 à vous tous.

Alessandro,

- L'Edito du navigateur Alessandro di Benedetto qui fait un point sur le Vendée Globe - le 01/01/2021

1/ RVPB : Racontez-nous un petit mot sur cette dernière semaine qui vient de s'écouler. La majorité de la flotte est dans le Pacifique et dans quelques jours les leaders aborderont le Cap Horn.

Alessandro : Bientôt le groupe de tête sera au Cap Horn. Je trouve remarquable la performance de Damien Seguin, aujourd'hui troisième mais aussi celle de Benjamin Dutreux et Isabelle Joschke, sans compter la progression continue d'Armel Tripon qui devrait bientôt rejoindre le groupe des premiers 10... Je suis très curieux de voir les performances du bateau de Tripon dans la "remontée" atlantique.
Après un peu plus de 50 jours de navigation, si d'un côté les skippers ont acquis un "rythme", une routine quotidienne qui passe par le repos, les réglages, l'étude de la météo, la préparation des repas, les réparations, la résolution de soucis techniques et de santé, la gestion des fichiers media, de l'autre ils doivent faire face à une fatigue physiologique des matériaux, des équipements, des voiles, du gréement, mais aussi de leur corps. Des muscles comme ceux de jambes ont tendance par exemple à plus souffrir des autres étant moins sollicités que à terre. Cela demande une attention particulière, la réalisation d'exercices pour faire face à une perte de tonicité musculaire. La même attention les skippers doivent la mettre pour garder en bon état l'ensemble du bateau. La possibilité, avant l'arrivée aux Sables d'Olonne, pour chaque skipper de pouvoir gagner des places au classement actuel dépendra non seulement des performances du bateau mais aussi du travail d'entretien du matériel que chacun aura fait tout le long du tour du monde. La condition de "santé" dans laquelle un bateau passera Cap Horn sera très importante pour décider si et avec quelle force pousser les performances dans l'Atlantique. Une fois passé le Horn, je suis aussi très curieux de voir les temps de la "remontée" atlantique de Jérémie Beyou par rapports aux vents qu'il rencontrera. Je crois qu'il va avoir encore des belles "surprises" au classement...
Pour tous les concurrents le passage du Cap Horn sera un moment important et non seulement pour la course. Pour certains sera la première fois du franchissement de ce Cap mythique. Coté stratégie, si le passage devra être effectué en même temps qu'une dépression, ça sera le cas pour le groupe de tête d'ici les prochains jours, chaque skipper aura le choix en gros entre deux possibilités: la première étant celle de passer au plus proche du Cap mais avec une houle plus forte faute surtout à la perturbation causée par la remontée rapide du fond océanique. Cette possibilité permettrait de faire moins de chemin et d'être rapidement protégé une fois passée le Horn. La deuxième serait de rallonger un peu le parcours en s'éloignant du Cap Horn chose qui permettrait d'avoir des conditions de houle moins cassante et donc de préserver plus le bateau. Dans les prochains jours, chaque skipper du groupe actuel de tête aura la possibilité d'utiliser cette dernière dépression avant le Horn à fin de modifier de façon importante son écart avec les autres, chose qui aura beaucoup d'importance pour la mise en place de la stratégie à adopter pour l'Atlantique.

2/ RVPB : Racontez-nous un petit souvenir de votre Vendée Globe 2012/2013 lors des fêtes de fin d'année 2012, de votre traversée du Pacifique et de votre passage au Cap Horn.

Alessandro : Pour Noël 2012 je m'étais déguisé en père Noël avec ce que j'avais trouvé à bord.
J'avais réalisé deux vidéos (vidéo entière disponible à l'adresse suivante) une avec le père Noël, l'autre avec moi qui "sortait d'un sommeil magique" dans lequel le père Noël m'avait placé pour ne pas être découvert... La chose marrante a aussi été l'effet que la première vidéo a fait sur mon sponsor...Par erreur il avait reçu la vidéo de moi et pas celle du père Noël et il n'avait pas compris que il s'agissait d'une mise en scène..., il pensait que je m'étais vraiment endormi et que je commençais à "délirer"...
Pour la traversée du Pacifique, comme pour une bonne partie du tour du monde, l'édition du Vendée Globe 2012/2013 n'a pas connu de conditions très dures. L'avancement était rythmé par l'étude météo, le placement pour le passage de "portes" à respecter (des traits imaginaires qu'on devait passer et qui à partir de l'édition 2016 ont été remplacés par la ligne de la limite des glaces à ne pas franchir), mais aussi la préparation de repas, de pates, crêpes, minestrone, beignets etc. du fait que j'aime cuisiner et que je pense que la cuisine est quelque chose d'important, non seulement pour améliorer le quotidien, par exemple d'une navigation ou des périodes compliqués comme celui que nous vivons lié à la pandémie mais est quelque chose aussi d'essentiel dans les contacts et échanges entre les différentes cultures, tout comme le sport.
Le passage du Cap Horn a représenté pour moi un moment magique, heureux. J'en garde intact les souvenirs. Pour moi il s'agissait du deuxième passage (en 2010 j'avais franchi pour la première fois le Horn sur le plus petit bateau, un 6,5 mètres, sans escale et sans assistance. Apres 268 jours et un peu moins de 9 mois de navigation j'avais complété mon premier tour du monde aux Sables d'Olonne sur le même parcours du Vendée Globe) et du fait que la première fois j'avais dû m'éloigner faute au mauvais temps, je ne l'avais pas vu...
C'est aussi pour ça qu'en 2013 (Vidéo ci-jointe )pendant le Vendée Globe j'ai pu me rapprocher et l'admirer avec un passage effectué à moins d'un mile après être passé à côté de quelque iceberg que j'ai pu identifier sur l'écran radar. Ce passage représentait aussi pour moi un soulagement et une fierté vis à vis de mes sponsors qui m'avaient fait confiance et des salariés des toute les entreprises qui avaient participé à cette magnifique aventure du Vendée Globe.

Merci à vous et bonnes fêtes de réveillon à vous et à tous les auditeurs/lecteurs.

Alessandro Di Benedetto

- L’Edito du navigateur Alessandro di Benedetto qui fait un point sur le Vendée Globe – le 24/12/2020

1/ RVPB : Les navigateurs sont déjà dans le Pacifique après 44 jours de mer. Que pensez-vous de ce Vendée Globe 2020/2021 cette année avec toutes les péripéties qu'ont connu les skippers depuis le départ (le double départ de Beyou, le chavirage de Kevin Escoffier qui a été sauvé par Jean Le Cam en Atlantique Sud), la reprise "hors course" de Sam Davies depuis Cape Town pour continuer le projet solidaire pour les enfants autour d'Initatives Coeur.

Alessandro : Le Vendée Globe est toujours une course magnifique et les péripéties sont une des composantes qui rendent cette régate intéressante et attractive à suivre aussi pour le grand public. J'ai été "frustré" de voir le stop de Jérémie Beyou ainsi que la halte définitive de Alex Thomson. Les deux faisaient partie pour moi des prétendants au top 5 du classement final. Je pense que Jérémie Beyou, actuellement dans l'Indien, peut encore faire un beau classement et doubler plus de 10 bateaux avant la fin de la course. Armel Tripon, qui a connu aussi des soucis techniques, a un superbe bateau et devrait rentrer assez rapidement dans le groupe des 10 premiers. Je pense que chacun des 10 premiers skipper au Cap Horn pourra espérer de gagner cette édition. J'étais soulagé d'apprendre le sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam. Chapeau à Jean qui, en plus de ce remarquable sauvetage, fait une superbe course. C'est dommage pour Sam Davies, aussi du fait qu'elle avait dû abandonner suite à un démâtage en 2012. Je suis content qu'elle ait pu réparer et eu la possibilité de continuer même si hors course. C'est important pour elle et pour le projet Initiatives Cœur.

2/ RVPB : Les leaders successifs de la course, Dalin et Ruyant avec leurs Imoca ont eu quelques soucis avec leurs Imoca et maintenant c'est Yannick Bestaven qui est leader dans le Pacifique, que pensez-vous des différentes positions du peloton de tête et des "foilers" ?

Alessandro : Comme toute machine performante aussi les Imoca et surtout ceux dotés de foils (ces deux appendices latérales qui se retrouvent à tours de rôle immergés dès que le bateau gîte et que en ayant un profil alaire créent une portance, une poussée vers le haut qui permet au bateau de sortir de l'eau et d'accélérer) sont soumis à des efforts considérables. Chaque bateau étant pratiquement un prototype a normalement besoin de pas mal de temps pour être fiabilisé, chose qui devrait être faite avant le départ du Vendée Globe et dans des conditions similaires à celles du Grand Sud (houle parfois désordonné, cassante, croisé, fortes accélérations et vitesses élevées et donc des pressions/efforts subis conséquents etc. moins ils ont) à fin de limiter les surprises lors du tour du monde. Je ne suis donc pas très surpris des performances de Yannick Bestaven par rapport à celles de Ruyant et Dalin qui ont à disposition des bateaux un peu plus récents. Bestaven, non seulement est un très bon skipper mais il a aussi un magnifique bateau qui a été fiabilisé (l'ex SAFRAN du Vendée Globe 2016/2017, plan Lauriot Prevot/Guillaume Verdier). Tout le groupe qui actuellement...suit derrière est en train de réaliser des très belles performances.

3/ RVPB : En tant qu'ancien concurrent du Vendée Globe, vous avez été 11e en 2013, quel était votre meilleur souvenir sur la course ?

Alessandro : Je garde plein de souvenirs de ma participation au Vendée Globe dans l'édition 2012/2013. C'est sûr que le passage du Cap Horn est parmi les plus intenses mais aussi le départ et l'arrivée sont inoubliables avec le public qui recouvre les deux côtés du chenal, plus de 1,6 millions de visiteurs en quelques semaines pendant le village aux Sables d'Olonne. Le côté humain a été très important dans mon projet qui a pu avoir lieu grâce à Didier Elin le président de Team Plastique mais aussi à tous les autres plus petit sponsors, à la participation et soutien des salariés, sans oublier l'aide des habitants des Sables d’Olonne, de La Chaume et des amis.

4/ RVPB : Parlez-nous un peu de votre actualité à venir ?

Alessandro : Parmi les différentes idées..., j'aimerais développer un projet de "bateau laboratoire" qui unirait le développement des dernières technologies en terme de performances et sécurité/survie en mer aux plus récentes découvertes scientifiques avec une attention particulière aux énergies renouvelables, à la recherche sur les biomatériaux mais aussi à la divulgation de valeurs de solidarité et égalité entre peuples. L'enjeu est la recherche des sponsors...

5/ RVPB : Merci à vous, pour toutes ces réponses Alessandro et on vous dit à bientôt pour un prochain débrief RVPB du Vendée Globe.

Alessandro : Merci à vous et à bientôt.

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